Rien de moins familier, de moins érotique, pour le corps dont nous avons parlé, que ces matières glacées et craquantes, aiguës et froides : les matières plastiques. Rien de moins caressant qu’une bâche de polyane, de moins réconfortant qu’un emballage de plastique.
Ici, c’est le regard qui trouve à s’attarder, dans un plaisir d’une autre nature : le spectacle d’une sorte de géométrie rigoureuse et gratuite, qu’on pourrait nommer le « pli glacé ».
Les règles du drapé s’appliquent en effet dans les mouvements de ces matières industrielles, avec même une rigueur extrême ; il en résulte des compositions qui rappellent quelquefois l’imagerie gothique. Bien sûr, les pointes qui referment les plis ne sont pas douces au toucher de cet œil, mais la parfaite rondeur de leurs vagues lui donnent un plaisir qu’il n’aurait pas soupçonné.
C’est qu’il y a ici une autre magie à l’œuvre : celle du poli poussé à l’extrême, sur lequel le vernis au tampon est passé, et dont la lumière, reflétée, évoque un toucher délicieux.
Il y a beaucoup de plaisir dans cette sorte de travail, dont toute la finition (ponçage, polissage, tamponnage) est comme une caresse ; il s’y ajoute, pendant les longues heures passées au tampon, le bonheur de ces vapeurs d’alcool et de gomme laque qui baignent l’atelier. Gageons que ces sculptures gardent à leur surface quelque chose de ce petit bonheur, et que le spectateur en captera la vibration, pour y trouver à son tour un peu de plaisir limpide.