on n'aura pas ici la vanité de se parfumer d'un nuage de Yourcenar ; ce ne sera donc pas "au noir", mais simplement "en noir" ; on voudrait bien pourtant suggérer une petite touche d'alchimie, dans un travail qui, d'habitude plus explicite, cherche son mystère.
c'est que le noir, qui n'est pas une couleur (il en serait plutôt l'absence), ne se contente pas d'avaler la lumière : dès lors qu'il est brillant, comme c'est le cas de ces sculptures vernies comme des pianos, il renvoie au spectateur l'image de la totalité de ce qui l'entoure, y compris de lui-même. Mais il le fait, à cause de la géographie froissée des surfaces, par fragments éclatés, étrangement bordés et circonscrits...on ne reconnaît plus ce qui se reflète, pas plus que l'on ne s'y retrouve dans les creux et reliefs de la sculpture elle-même, au point de ne pas même distinguer un creux d'une bosse.
il y a de quoi fasciner le sculpteur, provoquer le photographe, troubler le spectateur.
la technique du vernis noir au tampon est difficile, mais elle donne seule la douceur polie de cette surface glacée, laissant au bois teinté la latitude de s'y inscrire en filigrane : une touche de grain et de veinage sous le glacis de la gomme laque.
à l'occasion de ces "œuvres en noir", on se remémore et on vérifie toutes les paroles de Soulages et de son outrenoir ; mais le travail des froissements, des plis et faux-plis me conduit à y ajouter la dimension du trouble, puisqu'au sens propre, on ne sait plus ce que l'on voit. Le panneau présente une surface sourde, opaque et sombre, mais toute une constellation de petits reflets vifs et précis lui donnent la gaité d'un beau ciel de nuit, en même temps qu'ils elle renseignent aussi sur ce que l'on voit, en tout cas sur la présence d'une surface friselée, près de nous.