“C’est merveille de pénétrer dans l’atelier d’un sculpteur sur bois. Dans une atmosphère chargée d’effluves forestiers, on y apprend les premiers éléments de la xylosophie […].
J’ai constaté que Christian Renonciat s’attaquait avec prédilection au poirier, au cèdre, au tilleul, à l’aulne, au mélèze, au pin, à l’acajou, à l’érable et au hêtre, auxquels il faut ajouter le sycomore, variété d’érable appelée aussi faux platane.
Cette admirable et vivante richesse place le sculpture sur bois —et sans doute au dessus—de tous les autres plasticiens.La glaise, les matières plastiques et même la pierre paraissent en comparaison d’une misérable indigence.Elles ne fournissent que des formes et persuadent notre œil d’oublier leur matière.Seul le bois nous fait pénétrer dans l’intimité de sa vie végétale.Sculpter le bois, c’est un peu comme graver des tatouages ou creuser des scarifications dans la chair d’un homme. Les gravures inscrites dans l’épaisseur du bois s’apparentent à autant de cicatrices.
[…]En pénétrant dans l’atelier de Christian Renonciat, on se sent tout autant dépaysé que rassuré. Certes il touche du bois, au double sens du mot, travaillant de la gouge, de la varlope et du burin, mais aussi par là même conjurant le mauvais sort. Ce faisant il déborde les limites du bois et se joue de sa monotonie. Il fait avec du bois ce qui n’est pas en bois / cuirs, cartons, étoffes, peaux. Il y a là de la magie et tout un délicieux friselis de drôlerie.
Il y a beaucoup plus encore. Renonciat a entendu et exaucé la grande aspiration de l’arbre à accéder à la vie animale. De toutes ses branches, l’arbre invite l’oiseau à venir l’habiter. Ses feuille l’imitent, agitant leurs ailes comme pour s’envoler. Seul l’automne leur donnera cette mortelle satisfaction. Renonciat fait beaucoup mieux lorsqu’il métamorphose une écorce en cuir, en laine ou en chair.
En tête de ces lignes, j’ai inventé le mot xylosophie, sagesse du bois. Je pensais à la musique forestière du xylophone. Mais des mots plus puissants et plus profonds se pressaient sous ma plume : xylophagie, xylomancie, xylolâtrie. Quand on est entré dans le bois, on n’en revient jamais.
J’ai connu un vieil ébéniste bougon et minutieux. Au milieu du nuage de jurons grommelés qui entouraient son travail, j’ai entendu un jour : tous ceux qui ne travaillent pas le bois sont des salauds.”
Je dirai moi : tous ceux qui travaillent le bois sont des seigneurs.